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Message from Osman Kavala: From Silivri, Two and a Half Years On
The end of this month will mark thirty months of my imprisonment. Due to the recent, third accusation raised against me, it is impossible to predict how much longer I will be in the Silivri Prison. The initial indictment, written sixteen months after my initial arrest in October 2017, was not only motivated by political statements but also took as its basis illegal wiretaps and old narratives fabricated by law enforcement officers and prosecutors who now stand accused of being FETÖ (Fethullahist Terrorist Organization) members.
I believed that my arrest and this case, due to the lack of any concrete evidence and logical consistency, was exemplary of the deep-seated problems of the judicial system and would thus contribute to the recognition of these unlawful practices and help put an end to them.
I was heartened by the Minister of Justice’s reference to practices restricting personal freedoms and undermining the legitimacy of the law when he spoke about the aims of the judicial reform initiative last year.
However, it is no longer possible for me to maintain my optimism. The organized effort to extend my imprisonment, drawing strength from the President, is not the sole reason for this. What brings me towards pessimism, even further, is that an attitude that disregards universal legal norms and that applies laws arbitrarily and detached from their legal basis has gained traction and legitimacy in judicial circles. We see the continuation of practices that instrumentalize the judicial system, which had become systematic in the special courts under the sway of the Gülenist organization.
After the judicial reform package was passed, the journalists have been convicted and arrests have continued. Local elected officials are being jailed for crimes they allegedly committed years ago. The immaterial torture innate in the practice of re-arresting someone promptly after their release, which I have also experienced, has become commonplace. These unlawful practices, which we can assume, are not limited to cases that attract a lot of public attention, violate basic rights, and cause lasting damage to the judicial system. Practices of illegal arrests are systematically undermining a fundamental understanding of the presumption of innocence and personal freedom. Indictments are drafted without serious examination of the evidence or any concrete evidence; they make the reasoning that should be the basis of legal decisions of arrest and conviction redundant, leaving it open to political influences and legitimizing opinions based on unsound reasoning and speculation.
Despite all this, I believe there is a growing sensibility towards justice and jurisprudence in society at large. I hope that the obvious inequity in the most recent law on the execution of sentences, makes the government’s distinction between actual and politically charged, fabricated crimes, between judicial process and the instrumentalization of law more evident; and that it helps the public understand its grave consequences.
Osman Kavala, 21 April 2020
En prison en Turquie depuis deux ans et demi
Fin avril, trente mois auront passé dans mon séjour à la prison de Silivri. A cause de la troisième accusation inventée, il m’est impossible de prévoir combien de temps encore je vais y rester. Tout le monde a bien vu que le réquisitoire qui a été rendue publique seize mois après mon arrestation en octobre 2017, prenait appui des écoutes téléphoniques illégales et d’une histoire inventée il y a bien des années par des procureurs et des policiers accusés maintenant d’appartenance au réseau de l’organisation illégale de Gülen.
Du fait des suppositions manifestement illogiques et de l’absence de preuve concrète à ma charge dans le réquisitoire, je croyais que ma mise en détention préventive fournissant un exemple frappant des graves problèmes existant dans la justice, elle aurait aidé à mieux faire saisir l’existence de ces pratiques judiciaires contraires au droit et à mettre fin à leur existence.
J’avais eu aussi un moment d’espoir quand le ministre de la justice, en exposant l’année dernière les objectifs de la réforme judiciaire, avait dénoncé des décisions de limitation des libertés qui mettent en péril la légitimité des décisions judiciaires. Mais aujourd’hui je ne peux plus garder mon optimisme. Pas seulement parce que je constate qu’un effort organisé, en prenant appui du Président de la République, continue à œuvrer pour prolonger ma détention. Ce qui me rend surtout pessimiste, c’est le renforcement de la légitimité au d’une mentalité qui refuse les normes judiciaires universelles sein de l’appareil judiciaire et applique les lois d’une manière arbitraire. Les pratiques d’instrumentalisation du droit qui étaient devenues courantes à la suite de l’emprise du réseau Güleniste sur les tribunaux à compétence spéciale continuent aujourd’hui de la même manière.
Après le vote de la réforme du code d’application des peines par l’Assemblée nationale, des journalistes ont été condamnés, d’autres sont toujours maintenus en détention. Des élus locaux sont détenus avec des accusations qui portent sur leurs actions politiques. La réarrestation immédiate des personnes libérées par le tribunal, pratique que l’on doit qualifier de torture morales et que j’ai subi moi-même, semble être devenue un acte judiciaire normal. Ces pratiques contraires au droit qui sont bien plus nombreuses probablement que quelques exemples bien connus par l’opinion publique créent des dégâts durables au sein de l’institution judiciaire. Les arrestations non fondées en droit fragilisent la sensibilité aux principes de la présomption d’innocence et de la liberté individuelle. Des réquisitoires préparés sans une investigation sérieuse sur les preuves avancées et sans preuves concrètes rendent caduque l’obligation d’asseoir les décisions de détention et de condamnation sur une argumentation juridique solide. Elles rendent la justice ouverte aux influences des raisonnements extravaguant venant de l’extérieur.
Malgré tout cela, je crois qu’une réelle sensibilité à la justice et au droit se développe dans la société. La discrimination manifeste contenue dans cette récente réforme du code d’application des peines a montré encore plus clairement la distinction faite par le pouvoir entre les crimes réels et les crimes imaginaires de caractère politique, la différence entre une décision conforme à la justice et l’instrumentalisation de celle-ci. J’espère qu’elle va accélérer la prise de conscience de leurs très graves conséquences par l’opinion publique.
Osman Kavala, le 21 avril 2020